Etape 50, cabane des Réchets

ou "Le mystère des bornes 408"





Abstract: En 1968 M. Irigoyen, bûcheron espagnol aurait, selon M. Boussac garde forestier français, dépassé la frontière de ruisseau du Terme ("arroyo de termino"). M. Irigoyen argumente que "arroyo" est un cours d'eau où l'eau court et que Le Terme est sec dans sa partie haute. M. Boussac veut faire mettre M. Irigoyen en prison, celui-ci s'assure de la protection des carabiniers...on est à deux doigts d'en venir aux mains. Jean Sermet et Laureano Alija doivent dire où passe exactement la frontière. Ils choisissent un nouveau tracé matérialisé par 4 bornes 408 I, II, III et IV. Ce tracé n'a jamais été reporté sur les cartes . Pourquoi?

version courte (conseillée)

 

Je pensais avoir terminé ma collection de toutes les bornes frontières entre la France et l'Espagne quand je découvre le site de M. Eef Berns et qu 'il existe 4 bornes supplémentaires à la 408. C'est Charles Darrieu qui a découvert leur existence en fouillant les archives sur Jean Sermet dont il est un fervent admirateur. Jean Sermet est, entre autres activités, responsable pour la France de la première sous-commission de la Commission Internationale des Pyrénées ; c'est à dire qu'il est responsable du tracé et du bornage de la frontière. C'est un géographe reconnu et honoré (avec humour) par ses confrères. « aussi médaillé qu'un maréchal soviétique . Officier de la Légion d'Honneur, Commandeur de l'Ordre d'Isabelle la catholique, Commandeur de l'Ordre d'Alphonse X le Sage, Chevalier de l'Ordre de Grégoire le Grand... » L'admiration est obligée. Comment douter de ses jugements ? Loin de moi l'idée de ternir sa mémoire, mais l'amour et l'amitié sont des sentiments irrationnels et si le premier rend aveugle le second peut rendre myope et faire trébucher.

Pourquoi a-t-on décidé de l'implantation de ces nouvelles bornes et quand ? C'est une histoire longue et compliquée dont on connaît les détails par les enquêtes de M. Charles Darrieu qui a réuni un énorme dossier.

Pour répondre à ces questions il faut remonter jusqu'en 1863 quand le général Callier trace définitivement la frontière comme le lui ont demandé Napoléon III et Isabelle II d'Espagne. Quand il arrive à la borne 407, il apprend qu'il existe un terrain indivis entre les villes de Fos en France et Bausen en Espagne. ( Ce terrain est très en pente vers le nord et l'est mais il est boisé et c'est le sujet des problèmes à venir). Dans le traité de Bayonne de 1863 ce terrain est bien limité au nord par le ruisseau du Terme et à l'est par la Garonne, mais, au sud, ses limites sont floues signalées par des croix à double barre accompagnées des lettres A, B, C et D. Leur emplacement est inconnu (marquage inventé par Eef Berns).




Pour la suite il est nécessaire de bien comprendre que le terrain « indivis » de Bidaoubous est en Espagne. La limite nord du terrain correspond à la frontière sud de la France.

Article 21. - La commune française de Fos et la commune espagnole de Bausen continueront à  posséder par indivis le petit terrain de Bidaoubous circonscrit par une ligne qui descend avec le ruisseau du Terme, remonte par la Garonne jusqu'au Mail des Trois Croix et retourne à son origine par les mails de Muscadé, d'Evéra et d'Aegla .

On ne peut donc suivre la ligne de partage des eaux (comme l'avait dessiné Cassini sur sa carte vers1780). Le général, et son homologue espagnol, décident de prendre le (vallon du) ruisseau du Terme pour frontière.

Ensuite silence total jusqu'en 1959 quand la mairie de Bausen autorise un bûcheron espagnol M. Irigoyen à y faire une coupe de bois. Ce qui nécessite d'installer un câble de près de 2 km pour débarder les troncs de hêtre et sur une pente de 60° environ. Travail titanesque.

M. Amédée Boussac est garde forestier français et constate que les ouvriers ont dépassé ce qu'il considère être la frontière c'est à dire le vallon du « Terme » ( terme = fin, limite, frontière). Il avertit d'abord le maire de Fos, Robert Bathaille, le 24 août 1959. Celui-ci a déclaré qu'il ne s'intéressait pas à l'affaire, « que le bois d'ailleurs n'était pas très bon et que M. Irigoyen pouvait en couper tant qu'il voulait ». M Boussac est responsable de l'intégrité du territoire français, il interdit aux bûcherons de continuer la coupe et avise le sous-préfet de Saint Gaudens qui transmet à la préfecture. On tergiverse sur l'emplacement exact de la frontière. Les espagnols prétendent que le ruisseau du Terme s'appelle « arroyo del Termino »  et « arroyo »   est un cours d'eau où l'eau court, or « la ravine qui prend naissance en dessous de la borne 408 ne coule pas en temps ordinaire dans sa partie supérieure ». Donc la frontière serait plus loin au nord (où il y a en effet un ruisseau ignoré des cartes mais permanent qui s'appellera plus bas sur le cadastre « Goute des Réchets »).

Il s'ensuit des alertes aux autorités, des convocations, des menaces et M. Sermet et son homologue espagnol M. Alija sont appelés pour régler le conflit. On autorise les espagnols à couper jusqu'à la moitié du terrain en litige... M. Boussac veut faire mettre M. Irigoyen en prison...M. Alija parle d'envoyer les carabiniers ou la guardia civil ... les esprits s'enflamment. On est à deux doigts d'en venir aux mains ...pourrait -on dire.

C'est pourquoi, un an plus tard, Monsieur le maire organise le 10 juin 1960, une réunion de toutes les parties concernées à la mairie de Fos. Nous allons la décrire longuement parce qu'elle est capitale pour comprendre le « Mystère » qui nous a obsédé si longtemps. On y voit le maire et ses conseillers municipaux, une représentation de la mairie de Bausen, M. Boussac, le technicien des Eaux et Forêts de Luchon, M. Grassiet, responsable de la douane, Mrs Irigoyen et son fondé de pouvoir, Alija et Sermet. Peut être le brigadier de police. Quand M. Sermet relate la rencontre c'est une scène digne de Pagnol. On apprend que 2 propriétaires privés concernés ont été dédommagés de 300 000frs. (Entre parenthèse les bûcherons se sont avancés profondément en territoire français pour atteindre les parcelles des particuliers.)


Comparé à la surface des terrains communaux, le maire (qui a oublié ce qu'il disait les mois précédents) espère profiter d'un défraiement de 1 ou 2 millions. M. Irigoyen propose « 300 000frs pour avoir la liberté de couper tout le bois encore restant en pied sur la zone litigieuse. A l'extrême rigueur il pourrait offrir 20 à 30 000frs supplémentaires.» J'imagine les mentons qui tombent, les bouches s'arrondissent. Ooooh ! De qui se moque-t-on ? Pendant que fusent les sarcasmes et les œillades assassines, Sermet teste le maire, seul dans un coin. Il lui rappelle qu'il n'aurait jamais entrepris une coupe à cet endroit, que c'est une manne inespérée pour la commune, que la neige va arrêter l'exploitation et qu'ensuite il sera bien difficile d'obtenir un dédommagement, qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, qu'on ne sait pas encore à qui le terrain appartient en réalité... Le maire finit par se rendre à ses raisons. Il restait ensuite à convaincre le conseil municipal. Les foséens essaient d'estimer le préjudice. M. Boussac pense qu'il reste 1000 m3 de bois exploitable d'une valeur de 800fr le m3. « Il était évident que M. Irigoyen ne paierait jamais 800 000frs. Je proposais alors que la commune accepte de ne recevoir que 500 000frs à titre de forfait ». L'offre est difficile à accepter par les conseillers mais avec force diplomatie, et avec l'aide du maire, Sermet réussit à la leur faire admettre. Il faut encore que les espagnols acquiescent ! « Ceux-ci eurent alors un mouvement de recul » ils sont aussi offusqués que l'ont été les premiers. C'est beaucoup trop ! On n'allait pas sortir de cet imbroglio ; la réunion avait commencée à 17 h, la nuit tombe, c'est l'heure du berger, la lassitude est perceptible, on désespère... Mais je devine M.Irigoyen, en grand seigneur, faire taire le brouhaha d'un coup de son makila sur le bureau du maire et dans le silence revenu déclarer consentir à payer i-mmé-dia-te-ment les 500 000 frs car il est pressé de reprendre le travail, chaque journée lui coûtant 5000 pesetas que les ouvriers travaillent ou pas. Il s'engage de plus, à ne pas demander de remboursement s'il s'avérait, plus tard, que le terrain en litige ne fut pas attribué à Fos par la Commission des Pyrénées.

« Je fis alors remarquer combien cette attitude était généreuse. M. Irigoyen répliqua qu'il faisait un geste, non pas à cause de la commune de Fos (pan ! une pique pour les conseillers. ) mais à cause de l'amabilité de son maire qui lui avait permis l'an dernier d'installer son câble dans de bonnes conditions. Il le faisait aussi à cause de moi-même qui avais toujours essayé d'arranger les choses » écrit Sermet.

Mais la journée n'est pas encore finie !

  • L'administrateur des Douanes soutenait qu'il y avait infraction à l'exportation de bois français vers l'Espagne.

  • Le technicien des Eaux et Forêts, M. Boussac, répétait sans cesse que le ravin le plus méridional (celui du Terme) marquait la frontière. M. Sermet lui dit, en aparté, que c'était aussi son sentiment mais qu'il ne pouvait en faire état dans le conflit présent.

Pour calmer les deux derniers récalcitrants il démontra que les administrations des Douanes et des Eaux et Forêts ne pouvaient être intéressées car on ne savait encore a qui appartenait le terrain litigieux. Qu'il fallait attendre la décision de la CIP... nous savons que le propos était pour le moins facétieux puisque le résultat dépendait de lui et de son grand ami Alija !

De plus il demande que la limite de coupe parte du bas d'une cascade qui se trouve au nord de la borne 408 et suive « la ligne de plus grande pente ». Il n'a certainement pas pris cette décision sur l'instant, il l'avait envisagée bien avant ; avait-il déjà son idée sur le tracé de la frontière ?

La journée se termine sur un compromis et, comme c'est toujours le cas, un compromis ne laisse que des déçus. Pour les uns c'est trop, pour les autres pas assez mais la journée a été longue chacun rentre dépité dans ses pénates.


Il reste à dire où est très exactement la ligne frontière.

Il faut revenir au texte du général Callier.

407. Borne au cap de Touète. En ce point, la ligne internationale abandonne la crête et descend par le versant septentrional pour aller directement à l'origine du ruisseau du Terme, appelé aussi Riou-Poudèt. 

408. Borne sur un rocher, au-dessus de la naissance du ruisseau du Terme, à 312 mètres de la précédente. La frontière descend par le cours de ce ruisseau jusqu'à son embouchure dans la Garonne où se trouve la 409.

..."à l'origine du ruisseau du Terme"..."au-dessus de la naissance du ruisseau du Terme" et c'est là tout le problème ! Le général Callier est-il descendu en 1863 vérifier si la source se trouvait en dessous du promontoire où il avait placé la borne 408 ? M. Jean Sermet va devoir choisir entre 2 théories.

« Sur place les deux commissions frontalières saisies du litige ne purent se rendre un compte véritablement exact du ravin le plus susceptible de marquer la frontière. Celui du sud est effectivement le plus profond mais celui du nord a davantage d'eau. Une thèse topographique soutenue par l'administration française s'opposait à une thèse hydrographique soutenue du côté espagnol. »

-- La théorie topographique : suivre le vallon qui est le tracé le plus évident jusqu'à la Garonne. Cette hypothèse est aussi confirmé par le positionnement de la borne 408: Elle est dans l'axe est-ouest, au sud la lettre E (Espagne), au nord la lettre F.

– La théorie hydrographique : il faut trouver un ruisseau ? On sait qu'il l'avait déjà repéré à 100m au nord de la borne 408. C’est un petit coulis cascadeur qui est permanent.

"la Commission penche aussi à choisir le ruisselet nord, à l'exclusion du ravin méridional marqué d'une croix, mais sec."

Sermet:« Je ne crois pas que nous nous soyons trompés dans notre interprétation... » Alija : « Pour Madrid aussi  il y a un doute et s'ils lisent le traité ils pourraient nous dire que nous ne savons pas l'interpréter.. » ça confirme bien qu'il y a eu une hésitation.

Sermet a fait préparer 6 bornes et il n'a pu en planter que 4 à cause de la pente qui rendait le travail trop difficile. Elles devaient être positionnées en 1962 mais, à cause du mauvais temps, le seront en 63 puis 64...finalement en 1969.

Le 29/08/2015 Je me perds au bout de la « Goute de Beusse » et finis par déboucher sur la crête qui mène au pic de Sacaube. (grimpette très hard). Je trouve la borne 407, la 408 et, tout à fait par hasard, les 408 I et II le long d'une petite cascade. Mais où chercher les 2 autres ?

Je fais confiance à mon raisonnement (que je croyais) logique : 1)Sermet voulait planter six bornes c'est donc pour délimiter un grand espace (on ne va pas placer 6 bornes sur 2 ou 300m !). 2) il a choisi la théorie hydrologique donc il va continuer dans la même direction et rejoindre le ruisseau des Réchets qui est permanent (et qui a été évoqué dans le litige avec le bûcheron).

Les bornes ont toujours été placées dans des endroits remarquables (à part en pays Quint) : très souvent un col, un pic, à un croisement, le long d'une piste... Quand la frontière suit un ruisseau les bornes sont situées toujours aux confluents (voir en forêt d'Irati). C'est ma théorie. Je suis sûr de les trouver le long du ruisseau des Réchets. Il faut donc explorer les endroits marquants en descendant de la 408 II.

Ci - dessous un croquis de J. Sermet dont j'ai rectifié les proportions . En A il y a une falaise et une deuxième cascade au pied de laquelle ... il n'y a pas de borne (A) ; Pourtant il y a un rocher solide qui aurait été parfait. Il n'y en a pas non plus à la source du ruisseau des Réchets (B) ni à son confluent (D) avec une autre source (C).

Plus bas sur le cadastre on voit un trait qui pourrait être un affluent (ruisseau X ?). Nous l'avons traversé avec M. Lafont (ancien maire de Fos) … sans rencontrer aucun accident topographique. C'est donc une délimitation de parcelle cadastrale. Heureusement car la descente au confluent (E) aurait été impossible sans matériel d'escalade.

Encore une nouvelle expédition pour s'assurer qu'il n'y en a pas non plus au confluent entre le Terme et les Réchets en (F). Ma théorie infaillible sur les confluents en prend un sacré coup !

Au total il a fallu 7 sorties pour explorer tout le coin ; il faut dire que les pentes sont terribles surtout après la ruine marquée en rouge.

J'ouvre ici une parenthèse : faut-il douter de mon « raisonnement logique » ? Je me console car je ne suis pas le seul à avoir conclu de la même façon :

--Charles et Josette Darrieu, sont remontés depuis la Garonne jusqu'à la borne 408 en suivant le Terme puis son confluent la « Goute des Réchets » sans rien trouver. C'est une très longue et très difficile randonnée ; pour la tenter il fallait avoir la même certitude que moi.

--Sur la carte Topopirineos N° 8 que Miguel Angulo m'a montrée en novembre 2017, on voit qu'ils ont positionné récemment la borne 408 C (III) et la 408 D (IV) qui serait au bas de la deuxième cascade. J'y suis retourné pour la troisième fois … bredouille. J'ai demandé quels arguments ils avaient trouvés pour les placer à ces endroits. Je n'ai toujours pas de réponse. Je les soupçonne de se fier eux aussi à leur « réflexion logique. »

--Sur les cartes officielles espagnoles et sur le cadastre de Bausen la frontière ( en jaune) semble bien « aspirée » par les bornes I et II et longe ensuite le ruisseau des Réchets. (dossier Eef)


 

Ca me rassure un peu sur mes capacités mentales ...Un peu seulement Car Eef Berns, lui, a toujours été persuadé qu'il fallait chercher très haut en suivant les deux premières bornes. Bon mais Eef est hollandais. Ce peut-il que la latitude améliore la clairvoyance  ? Aurait-il raison ??

Quels indices avons-nous ? (dossier Charles Darrieu)

--Une note de 1964 de la CIP dit : le petit abornement intercalaire décidé en 62 (6 bornes) a été fabriqué mais n’a pu être mis en place en 1963 à cause du mauvais temps ; « Il le sera en 64 si des périodes de 10 à 15 jours de beau temps persistant se présentent ».

--la pose fut particulièrement difficile : Dans la justification des dépenses par le préfet au ministre de l'Intérieur « le léger dépassement tient au prolongement du séjour dans le Bidaoubous, un des pires endroits de la frontière et les problèmes de transport qui s'y posent... » Les bornes furent transportées par hélicoptère auprès de la borne 407.

- Dans la lettre du Préfet de la Haute Garonne du 28/01/72 au Ministre de l'Intérieur, nous apprenons que " la matérialisation de la frontière a été ordonnée par la Commission des Pyrénées entre les bornes 408 et 409 et réalisée en 1969 ( ?). Un plan topographique de ce secteur a été dressé avec indication des bornes intercalaires et montré en 1970 à la première sous -commission de la Commission Internationale des Pyrénées qui en a pris acte. Le travail est donc là effectué."

Finies les randonnées ! Il va falloir maintenant se lancer dans le maquis des archives et découvrir sous quel tas de poussière est en train de décanter ce compte rendu de la Première Sous Commission* de la Commission Internationale des Pyrénées (CIP) qui donnerait le point final à notre périple.

(*1re sous commission chargée de l’abornement et circulation transfrontalière. 2e sous commission chargée des liaisons pyrénéenne et infrastructures. 3e sous commission chargée de la protection de la nature ; hydraulique. 4e sous commission chargée des problèmes de la Bidassoa )

Elle n’est pas aux archives de Bayonne (où la CIP se réunissait deux fois par an) ; rien à Pau ; au château de Lourdes on ne me présente que des archives concernant les Hautes Pyrénées ; à Toulouse les archives ne sont pas encore conditionnées pour être consultées par les particuliers. A Huesca on trouve un Alija mais sous un autre prénom et situé à Valence.

J'interroge l'IGN

Réponse:

- " Seules 2 bornes dessinées 408 I et II ont été trouvées et mesurées par les opérateurs de l'IGN en 2015, même si elles ne sont pas considérées comme frontalières. Voici un schéma explicatif (reconnu bilatéral depuis 2015 ) de la ligne frontière au ruisseau du Terme. "

Le nouveau tracé suit une petite crête entre les 2 ruisseaux.

Que se passe-t-il ? On ne tient pas compte des travaux de J. Sermet ! S'il dit qu'il a planté 4 bornes, c'est qu'il l'a fait...et qu'on ne les a pas trouvées. Sur le site IGN la réponse est moins catégorique : " Une ligne frontière reste temporaire à proximité des bornes non encore mesurées précisément ainsi que de quelques sites où une mise en évidence contradictoire pourrait être produite."(...)

 

Je trouve sur internet, un livre, compte rendu d'un congrès sur « la frontière franco-espagnole» qui s’est tenu à Bayonne en 1997 ; et, dans ce livre, une étude historique de la CIP par Jacques Poumarède professeur de droit à Toulouse. Par mail je lui demande où se trouvent les archives de la CIP ; la réponse est rapide : aux archives diplomatiques du Ministère des Affaires Etrangères à La Courneuve. J'y envoie mon fils qui trouve ce fameux compte rendu de la réunion de la CIP d'octobre 70 … mais pas les plans qui devraient y être annexés !

En insistant auprès des archives de Toulouse on m’autorise à venir consulter 5 ou 6 dossiers sortis du fonds Sermet. J’y trouve cette description capitale : "A partir de ce point (la borne 408 II) la ligne frontière reprend son orientation Est-Ouest en direction de la Garonne.(?!) Deux autres bornes 408 III et IV ont été implantées en aval dans le thalweg du ruisselet. Pour éviter qu'une grande affluence d'eau ne les détruise, on a décidé de les situer rive gauche à au moins 5m du lit apparent suivi par le ruisseau. Deux autres bornes avaient été fabriquées, mais il est apparu, -comme le plan le fait ressortir- que leur installation devenait inutile et devant la fatigue extrême du personnel, après trois journées exténuantes sur ces pentes, il fut décidé de ne pas prolonger l'opération. De la 408 IV vers l'aval, le thalweg du ruisseau du Terme est du reste assez nettement dessiné pour ne plus laisser place à divergence d'interprétation sur le tracé, qu'il marque, de la frontière."

Partir à l'Est pour rejoindre le Terme ??? Sermet a-t-il perdu la boussole ?



Le 29 juillet 17.j'arrive à la cabane à 20h avec un petit-fils. (Thomas ; 15 cm plus grand, 57 ans plus jeune) On se couche et la maisonnée s'éveille. Un rat, un gros rat qui est chez lui, déménage pendant toute la nuit, indifférent à nos attaques aux rayons lumineux...(Charles m'appendra que c'était un loir. « Dormir comme un loir »...Oui, quand il hiberne ! ). Lever 7h.
A partir de la 408 II, en partant au SE, pour rejoindre le Terme, on devrait traverser ce thalweg. On trouve une combe et, 100m avant le ravin, une source (K) qui a creusé un peu mais aucune borne sur sa rive gauche. Bref...RIEN. 8e tentative bredouille. Il ne reste plus que la fougeraie en dessous de la 408 II qu'on ne pourra explorer qu'après la neige.

    8 septembre.  Eef a proposé une réunion "au sommet" avec Charles et moi pour demain à la cabane des Réchets. Par peur d'être ridicule je vais passer la nuit à la cabane pour être plus en forme demain. Arrivé à la "salle du congrès" à 13h30 je profite de l'après midi pour m'assurer que les bornes 408 C et D (pour nous les 408 III et IV) indiquées sur topopirineos 8 n'existent pas (Miguel Angulo vient de me les signaler). Il me semble qu'elles ont été situées « au pif » exactement dans les endroits où nous les avions cherchées dès le début en nous fiant à notre esprit logique...La soirée s'annonce bien longue en solitaire. Repas froid. Feu de cheminée pour un semblant de compagnie. Coucher bien avant le crépuscule. Penser, rêver, écouter. La nuit ne tombera pas tout à fait; la lune est gibbeuse. Un bruit ? et bientôt beaucoup de bruit; les cerfs sont en rut. Chaque cerf a son propre répertoire, tous enroués mais bruyants, aucun mélodique. Bientôt c'est le vacarme. Réveil 3h 30 les cerfs commencent à me faire braire. Rallumer le feu. Retour dans le duvet mais il ne fait pas vraiment froid


Les délégations au complet : Eef, Henny, Charles , Michel

10 h 30 les délégations arrivent. La délégation hollandaise en tête: Eef, le plénipotentiaire, et Henny qui sera l'observatrice indépendante, Charles ensuite représentant l'Ariège et le Couserans. Les présentations sont chaleureuses mais rapides. Les travaux commencent. Plusieurs propositions: monter à la 408, chercher la croix de Malafrénor, chercher le "talweg du ruisselet"...Les congressistes finissent par s'accorder sur un compromis : Aller à la 408 II, partir au sud chercher la croix, descendre vers l'est espérant croiser le thalweg dont parle Sermet.

A la 408 II pas d'eau ; donc la fluoresceine est inutile. On monte, très, très en pente pour chercher la croix. Il faudrait inspecter chaque rocher, fastidieux et fatiguant, on abandonne. On descend en suivant le bord du ravin du Terme, on arrive à la source K déjà repérée à la dernière sortie.Pour rentrer à la cabane Charles nous fait traverser un ravin nord-sud qui était caché dans l'épaisseur de la falaise. ( on l'appelera "ravin-thalweg")

(C'est ici que mon esprit va bafouiller. Pour moi un « thalweg » c'était plus petit qu'un ravin ! Coupable ignorance ! (Un talweg (ou thalweg) correspond à la ligne qui rejoint les points les plus bas soit d'une vallée, soit du lit d'un cours d'eau). Si je fais confiance à mon sens de l'orientation, c'est ce talweg qu'il fallait remonter pour trouver les bornes III et IV comme indiqué sur le croquis suivant:

croquis très approximatif

De retour au palais des congrès, diner de gala, dégustation des produits régionaux... Allocution de clôture par le Délégué à la Découverte Désespérée des Deux Dernières Bornes (le DDDDDB) : C'est FINI ! Nous ne reviendrons qu'après avoir enfin trouvé ce plan où J. Sermet dit avoir fait poser les 2 bornes restantes. Au fait, un seul cerf a bramé sans arrêt pendant toute la journée. Sous Viagra peut être..


Il ne reste plus qu'à aller à La Courneuve.!!  

Dimanche 7 janvier Epiphanie. Le lundi 8 je suis à 9 h à l'entrée des Archives Diplomatiques de La Courneuve espérant que les Rois Mages m'ont laissé le cadeau demandé. Trop tôt ; ouverture à 9h 30 et pas un bistrot à l'horizon. Il faut attendre debout, humide et sciatalgique ( sciatique poplité externe droit depuis le 17 novembre...52 jours ! en attente de l'infiltration prévue le 19 janvier). Faire la carte de lecteur, passer au vestiaire, patienter encore jusqu'à l'ouverture des salles à 10h mais dans un fauteuil en cuir confortable. La grande classe ; l'architecture, le design, les matériaux, verre, aluminium, les volumes, escaliers doubles... ce sont les Affaires Étrangères, la vitrine de la France.

Il faut commencer par la salle des inventaires (En fait je ne sais pas encore que je n'irai pas plus loin). L'archiviste, costume-cravate, serviable, attentionné, indulgent écoute ma requête que j'avais bien préparée ; précise, concise, courte. J'explique que j'ai la référence trouvée par mon fils : 1931 INVA 1970-1977 (et aussi 195 QO CIP) et qu'il y a 8 cartons. L'archiviste viens même me tenir la main pour faire la commande sur un ordinateur..."Dossier inconsultable"! Deuxième tentative, réponse identique.

    -c'est bizarre. -Votre fils a dû bénéficier d'une autorisation spéciale - m'enfin, pas du tout...- c'est bizarre (il répète, réfléchit, tergiverse, tranche:)- Je vais en référer à mon supérieur. Lequel contacte la Directrice. Cette dernière descend et j'explique de nouveau que Xabi (mon fils ) avait eu accès à ces cartons il y a 7 mois. Elle trouve que c'est bizarre (elle aussi), elle va faire son enquête... mais ne peut prendre la décision sur l'instant... je reste souriant tellement elle est prévenante et m'assure faire son maximum. C'est l'heure de manger. Je longe le " Centre Sportif Antonin Magne ". Coureur cycliste vainqueur du tour de France en 1931 et 1934, champion du monde en1936 puis entraîneur. Sa devise était "la gloire n'est jamais où la vertu n'est pas" car pour dopage il s'accordait seulement du porto mélangé au jaune d'oeuf. Antonin Magne honoré à La Courneuve ! C'est de l'humour je pense. Le troisième kebab propose aussi de la pizza, mais pas de bière.

    Un appel de la directrice de La Courneuve qui a survolé les 8 cartons sans trouver de plan mais qui doit y revenir et me tenir au courant

Archives Nationales de Pierrefitte. Je suis à l'ouverture à 9h. Architecture encore plus grandiose avec patios, plans d'eau, espaces, hauteurs, transparences et toujours des archivistes aimables. Est ce le métier qui les rend aussi courtois ou est ce qu'on ne sélectionne que des gens sympas pour faire ce métier ? On fait défiler l'inventaire « CIP », « Sermet », « bornes frontières »... ne font pas réagir l'ordinateur. De guerre lasse, et parce qu'elle vient de passer une heure avec moi, et que j'habite Bayonne, elle me trouve un endroit où poser ma question qui sera transmise à un spécialiste, qui me répondra ! En effet à Bayonne je trouverai un mail me confirmant que ma demande a été prise en compte et qu'il me suffit d'attendre. La réponse m'envoie aux inventaires ...c'est ce que nous avons déjà fait...chou blanc.

Ce n'est que 6 mois plus tard que j'ai eu la révélation. En repos obligatoire (recalibrage du canal lombaire) j'ai fait mon chemin de Damas ! J'ai réalisé que pour Sermet la cascade est la source du ruisseau du Terme. Mon croquis se justifierait (?!).

 


Revenons au général Callier :

408. Borne sur un rocher, au-dessus de la naissance du ruisseau du Terme, à 312 mètres de la précédente. La frontière descend par le cours de ce ruisseau jusqu'à son embouchure dans la Garonne où se trouve la 409.

Il faut donc le suivre...à la lettre : A partir de ce point (la borne 408 II) la ligne frontière reprend son orientation Est-Ouest en direction de la Garonne. Deux autres bornes 408 III et IV ont été implantées en aval dans le thalweg du ruisselet.

Chaque fois que nous y sommes passés cette cascade semblait disparaître dans l'éboulis et les fougères. (J'avais imaginé que la 2e cascade était sa résurgence.) Le flux du ruisselet doit être mieux visible à la fonte des neiges et en période « fougères mortes ». Donc d'abord aller à l'est jusqu'à trouver les bornes au début du ravin, ensuite descendre le ravin-thalweg qui doit revenir au sud jusqu'au Terme. En clair : le RUISSEAU du Terme se jetterait dans le VALLON du terme !

Si j'ai bien compris le tracé de la frontière décidé par Alija et Sermet ferait une hernie abracadabrante dans le genre de ceci



Sermet a-t-il commis une méprise ou un habile stratagème diplomatique ?

Les facteurs psychologiques vont jouer, à mon avis, le rôle principal dans la résolution choisie. Sermet a voulu épargner la chèvre et le chou . Son admiration pour la vaillance et la témérité de M. Irigoyen, a influé sur la décision. En effet plus la limite est repoussée vers le nord moins son infraction est importante.

Il faut encore gérer les susceptibilités de M. Boussac technicien des Eaux et Forêts et de M. Laureano Alija Llanos avocat à Barcelone son homologue espagnol et ami (à qui il a fait obtenir la légion d'honneur l'année passée (d'ailleurs ce dernier se plaindra à Monsieur le Grand Chancelier qu'elle lui a été remise de façon un peu négligente et demandera qu'on profite d'une cérémonie frontalière pour le faire plus honorablement…)).Ils se connaissent et travaillent sur le bornage depuis 1949 ; Ils se reçoivent en famille. Ils viennent de restaurer le bornage des pâturages de Haute Garonne. Peut être qu'à cette occasion Alija a-t-il appuyé une initiative en faveur de Sermet ? (en prenant son parti par exemple contre les habitants de Bossost disposés à rouspéter en permanence. (Supposition gratuite)). Il est difficile de lui refuser un service et revenir au vallon du Terme c'est déjuger son meilleur ami, ce serait accepter d'emblée qu'il n'y avait aucun doute, qu'on ne pouvait accorder à M. Irigoyen aucune circonstance atténuante. Et pour clore le dossier, la preuve irréfutable : « Quant à l'exploitant forestier s'il n'avait pas raison il ne couperait aucun arbre » (!)

D'autant que M. Boussac est un teigneux, qui ne veut pas en démordre et répète encore et encore que le Terme c'est la frontière, que la preuve c'est la croix de Malafrenor (à deux branches comme celles du sud), qu'il est gardien de l'intégrité du territoire français, qu'il en appèlera aux plus hautes autorités. « j'ajouterai que sur le terrain il n'existe pas d'autre ravine ayant leur origine en dessous de la borne 408. » Bref le technicien des Eaux et Forêts fait tout ce qu'il ne faudrait pas faire et certainement, indispose Mrs Alija et Sermet.

Donc

--le tracé a été décidé en 1960.

--Les bornes ont été placées en 69.

--la correction a été entérinée en octobre 70 par la CIP......et n'a jamais été reportée sur les cartes ! Pourtant les cartes IGN 947 OT et IGN 1848 OT furent rééditées plusieurs fois pendant les 30 années suivantes. Pourquoi ? Pourquoi Sermet n'a-t-il pas réclamé ? S'il l'avait fait il aurait été écouté. La voix de Sermet faisait loi.

Au risque de peiner mon ami Charles je doute que Sermet ait été satisfait de sa décision.

--Comme l'a remarqué Eef, si le général Callier avait choisi la cascade il n'aurait pas placé la borne 408 à l'endroit où elle est. Ca oblige à faire un coude inutile.

(407. Borne au cap de Touète. En ce point, la ligne internationale abandonne la crête et descend par le versant septentrional pour aller directement à l'origine du ruisseau du Terme, appelé aussi Riou-Poudèt)

--On ne peut argumenter que la première cascade soit la source du Terme. La longueur, le débit, l'altitude sont des arguments discutables... et discutés. Mais ici le vallon est le lit principal du ruisseau même si la partie supérieure est formée par les eaux de ruissellement. Il se présente d'une seule coulée de haut en bas. Le "ravin -thalweg »  n' est qu'un affluent.

--De plus il ne peut faire coïncider sa nouvelle carte avec le tracé reconnu du terrain de Bidaubous. «  le petit terrain de Bidaoubous circonscrit par une ligne qui descend avec le ruisseau du Terme, remonte par la Garonne... ». On peut rétorquer qu'il est bien écrit « ruisseau » et non « vallon »; Mais le vallon du Terme est bien la limite topographique nord du terrain....

--La croix de Malafrenor leur pose un sérieux problème. Alija est très méprisant envers M. Boussac « Le garde nous a désorienté car je crois qu'il n'a pas la moindre notion des Traités et son obsession, possiblement malicieuse, nous a emmené sur un terrain qu'il n'était pas nécessaire de voir. C'est à dire que la croix visitée (de Malafrenor) délimite les pâturages sur le terrain indivis » . Sur la même lettre du 18 décembre 59 «  A mon point de vue, opinion que confirme notre ami Lafarga, il apparait clairement que la croix que nous a montré votre garde forestier se réfère à l'abornement de pâturage délimitant exclusivement le terrain indivis de bidaoubous »... donc la frontière avec la France ! Sermet répond le 24 « Je suis d'accord que la croix à deux branches doit représenter quelque chose en rapport avec le terrain de B. » Alija le 5 janvier 60 « D'accord sur la croix trouvée ; j'insiste sur le fait qu'elle doit limiter le terrain indivis de B »....donc la frontière avec la France !

 --On peut ajouter un argument toponymique : En 1719 le ruisseau se nomme « Riou du plan de Rem » l'étiologie du nom est inconnue mais elle est en rapport avec le Traité du Plan de Rem dont on parlera plus loin. En 1770 Cassini l'appelle « ruisseau du Terme ». Sur le cadastre napoléonien de Fos « Ruisseau du terme en Bidaoubous ». En 1863 « Ruisseau du Terme ou Riou Poudèt » . Il est ironique de constater que Terminus est une divinité romaine qui est le gardien des bornes. Il a une tête humaine placée sur une borne pyramidale (un terme). Il était toujours sans bras ni pieds afin qu'il ne puisse se déplacer. Le terme de « Terme », pardon , le nom de « Terme » a peut être, été donné le jour où ont été fixées les limites de Bidaoubous entre 1770 et 1863. C'est la fonction qui aurait créé le nom.

Dans ses lettres 04/10/1999, 01/02/2001 et 24/12/2001 adressées au Ministre de l’Intérieur, où il récapitule tout le travail accompli, il signale qu'il a fait de nouveaux dépôts :

C'est pourquoi j'ai pu, en différents envois, donner à la C. I. P., au Ministère de l'Intérieur et à nos homologues espagnols, plusieurs dossiers sur un certain nombre de secteurs de la frontière (repères 1 à 60, 297 à 310 ; 312 - 332 frontière aragonaise de Huesca avec Hautes-Pyrénées et Haute-Garonne, 410-426 Haute-Garonne et Ariège). J'ai de quoi continuer de tels services dans la limite où ma documentation photographique me permettra de leur donner des bases solides effectives″.« ...a fait l'objet d'un très gros dossier, fourni en France, au Ministère de l'Intérieur (Administration du Territoire), aux Affaires Etrangères (C.I.P. et service géographique), au Cabinet du Préfet des Hautes-Pyrénées, aux Archives Départementales et à la bibliothèque du Musée Pyrénéen de Lourdes.-1990, 522 pages, 220 photos, 1 carte »

Il ne peut pas ignorer ces bornes qu'il a fait placer 35 ans avant. Si il les signale de nouveau c'est qu'il revendique cet acte comme un arrangement diplomatique à perpétuer. Sinon il faudra le traduire comme le règlement d'un conflit local qu'on lui avait ordonné de résoudre … et d'oublier.  

Car, en réalité, on ampute le territoire national de quelques ares qui ne sont que rocailles en pente où il est parfois difficile de tenir debout, dont la seule ressource est inexploitable ; en effet personne n’ira plus y entreprendre une coupe forestière. Trop haut, trop difficile, trop coûteux. Les bois qui ont longtemps fait la richesse des vallées de montagne ont perdu leur valeur depuis que la main d'oeuvre s 'est renchérie.

Conscient de cette évidence Sermet a laissé au temps le soin d'effacer ses empreintes. Il n'avait pas pensé que des terminophiles (collectionneurs de bornes) viendraient 58 ans après discuter de la pertinence du tracé qu'il avait ordonné et s'acharner à retrouver les bornes qu'il avait eu tant de difficultés à planter.

Il s'excuse et se justifie lui même « Ainsi, voir les choses avec détachement ! Et juger avec toute objectivité ! Les intérêts à défendre ne sont plus tels qu'ils doivent l'être à tous prix, envers et contre tout et tous. La conduite est d'être conciliant. »

Où en sommes nous le 24/03/18 ?

--j'ai téléphoné 2 fois à la Courneuve. L'enquête est remontée jusqu'au bureau du ministre. On ne sait toujours pas pourquoi ces dossiers sont « inconsultables ». (Sylvie Prudon)

--les archives de Toulouse doivent m'informer dès que on pourra les explorer...combien de temps faut il attendre? ( Marie-helene Bernard-Ristorcelli)

--En Espagne j'ai contacté les archives nationales estafeta@mir.es qui m'ont adressé à Asuntos exteriores y de Cooperacion informae@maec,es qui m'a réorienté sur Secretaria Comision de Limites con Francia y Portugal climites@maec,es lequel m'envoie sur el Centro Geografico del Ejercito ceget@et.mde.es qui, lui, est toujours muet.

--j'ai suggéré à La Courneuve de chercher dans la section des cartes ou géographie . J'ai reçu confirmation.(Grégoire Eldin) lecture.archives@diplomatie.gouv.fr

__ j'ai écrit à « l'hôtel du Faisan doré » à Luchon pour essayer de retrouver le garde chasse avec qui nous avions pris l'apéritif. Peut être a-t-il connu M. Boussac ? (voir étape précédente 49)

--Je viens d'envoyer un mail à Mme Mengelle pour obtenir l'autorisation de consulter le dernier dépôt de Jean Sermet.(château de Lourdes)

Début mai je relance tout le monde

 

….et le 4 /5/18, soit plus de 2 ans depuis le début des recherches...je reçois ............CE PLAN accompagné d'un tableau de chiffres auxquels je ne comprends rien mais mon ami Philippe Barsacq est topographe et je lui demande s'il peut les traduire en coordonnées. Bien sûr il peut !


LES BORNES III ET IV SONT BIEN A L'ENDROIT PREVU !


LE 29 MAI 2018: Dixième tentative. J'ai rendez vous demain avec Eef et Jan Willem son acolyte. Il pleut depuis 4 jours. Xabi et Thomas m'accompagnent et je les remercie d'être venus de Paris et de Bordeaux car je n'ai fait aucune rando depuis 6 mois (sciatique, kiné, infiltration, recalibrage du canal lombaire il n'y a que 3 mois). On décide de monter le soir même car la pluie vient de s'arrêter et qu'on aperçoit des trous de ciel bleu. Il pleuvra dès la porte de la cabane passée. Nuit froide, humide, sans invité indésirable.

Le 30 on laisse pour Eef un message planté dans la porte: on s'avance pour ne pas les retarder. Arrivés au ruisseau Xabi monte à la 408 II voir à quoi ça ressemble une borne ; c'est sa première. On tourne un peu en rond en attendant les hollandais et on entend Xabi--J'en ai une !!!

Il est à coté d'un rectangle de pierre de la bonne dimension accroché à un socle de ciment; elle est tombée face contre terre. Je pense que c'est la III. Eef et Thomas réussissent à la retourner. Surprise c'est la IV! Donc la III est plus haut. On remonte. Nous avons exploré ce coin au moins 3 ou 4 fois. C'est un éboulis instable, en pente, boueux, encombré de troncs d'arbre mais aujourd'hui les fougères sont encore basses et la vue est dégagée. Jan Willem et Eef installent le topofil et la boussole. Mais avant d'en juger l'efficacité et de commencer une recherche raisonnée, Xabi, une fois de plus, nous devance : il a trouvé la même pierre avec son socle de ciment, dans la même position. Il n'y a pas de doute; on la retourne c'est la III. C'est la baraka du débutant ! Chacun veut sa photo avec les dernières bornes, comme un chasseur triomphant. Un trophée.

C'est vrai qu'on est heureux, bienheureux, je cherche un augmentatif ? victorieux, radieux et même fiers, tant pis pour les chevilles.

On avait prévu le champagne. On trinque à la cabane. Photos.

...et je décompense. Je trébuche plusieurs fois dans la descente un peu glissante; Eef me fait la trace et me tient la main dans les passages délicats. Je n'ai plus de quadriceps, je tremble et divague, "beuriac" de fatigue. J'ai toujours redouté la dernière pente caillouteuse. Thomas et Xabi m'encadrent ( me portent) pour les derniers 2OO m de dénivelé.

A Bayonne Lucette, Martine, Warren et Marie nous accueillent comme des explorateurs de l'extrème ...et Xabi se rend compte qu'il a laissé son téléphone au pied de l'arbre à coté de la cabane !!! Il refera le chemin inverse, montera à la lampe frontale, récupérera son téléphone , mangera froid, dormira froid, redescendra en 45 minutes et reviendra à la maison à 9h le 1 juin. Soulagement. Délivrance. On peut de nouveau respirer et revenir à nos moutons c' est à dire à la joie de la dernière découverte après deux ans de recherches.

 


Nous avions commencé la collection en février 2013 ! terminée le 30 mai 2018 . Au TOTAL, selon nos critères, il y a 703 bornes dont 5 détruites.





Thomas, Michel, Xabi

Jan-Willem et Eef


Et maintenant que faut il faire de cette découverte?

 On pense avertir l'IGN  (mauvaise idée! ce passage est plus développé dans la version courte)                                           

C'est alors que je me rends compte que Charles, Eef et moi sommes complétement en désaccord sur le tracé qu'a fait Sermet :

Pour eux à partir de la borne IV, Sermet suit le ruisseau des Réchets qu'il appelle "le Terme"; c'est aussi, je pense, ce que croit l'IGN.

 

--j'imagine mal Sermet confondre le ruisseau des Réchets avec le vallon du Terme, car il dit bien : De la 408 IV vers l'aval, le thalweg du ruisseau du Terme est du reste assez nettement dessiné pour ne plus laisser place à divergence d'interprétation sur le tracé, qu'il marque, de la frontière." 

--Pour avoir parcouru plusieurs fois tout ce coin je ne vois pas comment il serait "évident" de rejoindre la source du ruisseu des Réchets. A mon avis il y a encore une falaise à descendre.

--Sermet aurait eu toute la place voulue pour placer une douzaine de bornes supplémentaires et très facilement, tout le long du ruisseau des Réchets où la pente est bien plus douce ...au moins en partie haute. Or je sais qu'il n'y en a aucune.

--Quand Il parle du "ruisseau nord" il ne ne veut pas dire "le ruisseau des Réchets", il décide qu'il choisit la cascade du nord plutôt que le vallon. Il choisit la théorie hydrologique plutôt que la topographique. Dans la session de la CIP de mars 62 à Madrid: "Elle (la Commission) penche aussi à choisir le ruisselet nord, à l'exclusion du ravin méridional marqué d'une croix mais sec."

--Il empiéterait nettement en territoire français. Voir cadastre napoléonien; Le ruisseau des Réchets traverse une parcelle, il y a des ruines qui prouvent bien l'occupation par les anciens habitants de Fos

--ll aurait créé une portion de territoire espagnol entre la France et le terrain de Bidaoubous ? parce que la limite nord du terrain indivis est très nettement spécifiée dans le Traité : c'est le vallon du terme.



Leur principal argument c'est que sur le Plan le ruisseau continue plein est. C'est gênant en effet.

Alors que s'est il passé?

Sermet était persuadé que la cascade se jettait dans le vallon du Terme. En 1959, il avait distingué depuis la borne 408, un thalweg qui venait bien de la direction de la cascade et se dirigeait vers le vallon. C'est le ravin que nous connaissons. "On apperçoit très nettement les 2 thalwegs discutés s'unnissant pour former le ruisseau du Terme"

(croquis en Y)

Le 30 mai 2018 Il pleut depuis 4 mois au moins, le flux est exceptionnellement visible dans l'éboulis jusqu'à la hauteur de la IV. Ensuite il disparait. Dans l'émotion de la découverte on ne se soucie pas de voir vers où il pourrait se diriger.

C'est Jean-Christophe Cerciat de Fos qui s'est proposé pour aller vérifier. Sur ce croquis il nous explique qu'il y a une crête qui empêcherait le ruisseau de rejoindre le Terme : entre le flux issu de la cascade et la crête où on voit un petit col, il y a environ 5m de dénivelé que aucun ruisseau ne peut remonter ! Sermet n'avait pas étudié la faisabilité de son projet.

 

La décision à été prise presque 10 ans avant que les bornes commencent à être posées en 1969. Sermet n'assiste pas au chantier. Le travail est épuisant dans "un des pires endroits de la frontière". Quand le contre-maître arrive à la IV, il jette l'éponge. Sermet croit que l'affaire est conclue, que la borne IV est en haut du "ravin-talweg". Il peut écrire : « De la 408 IV vers l'aval, le thalweg du ruisseau du Terme est du reste assez nettement dessiné pour ne plus laisser place à divergence d'interprétation sur le tracé, qu'il marque, de la frontière ».

Il a accordé aux espagnols une toute petite compensation, estimée à moins de 2 ha, dans un terrain impossible ; ça fait une hernie bizarre mais ça n'intéresse personne et ça satisfait l'honneur des espagnols.

 

Il finit par recevoir le plan du topographe espagnol : le flux continue vers l'est ! Il n'était pas descendu pour vérifier son hypothèse. Que faudrait il faire?: enlever les bornes, débaptiser le ruisseau, avouer aux espagnols que cette entreprise coûteuse est une bêtise..c'est le ridicule assuré d'autant qu'il n'a pas dû laisser une bonne opinion aux habitants de Fos. Alors il reste dans l'ambigüité. A partir de la borne IV il laisse croire que le thalweg peut rejoindre le Terme ...ou les Réchets.

Il pense qu'elles resteront ignorées des cartes, jusqu'à ce que des termophiles (collectionneurs de bornes) viennent 58 ans plus tard discuter de la pertinence de son tracé.

La solution serait apportée par un marquage à la fluoresceïne. On verrait où ressort le flux : à la 2e cascade ? à la source du Réchet ? à son premier confluent au niveau de la ruine ? ou au ravin-thalweg que nous avons traversé ; par un passage souterrain?

 

Comment trouver ces bornes

Les bornes 407 et 408 sont près de la cabane des Réchets. En venant de St Béat il faut entrer dans Fos et prendre la dernière route avant le pont sur la Garonne. Elle vous fait passer sous la nationale. Garez vous à droite. Le chemin commence avant la vieille grange et passe à côté d'un pylône haute tension. Ça monte raide ; le chemin est complètement ignoré du GPS, pourtant il desservait tout un quartier d'une douzaine de maisons dont il ne reste que des ruines. Remarquer les virages relevés pour empêcher les traîneaux qui descendaient le bois de verser dans la pente. Il reste de gros rochers de granit dans cette montagne d'ardoise ; ils ont été charriés par le glacier de l'Anéto que l'on aperçoit à gauche. Passé l'étang de Sasplays, il faudra tourner à gauche dans un cimetière de grands arbres. Plusieurs cairns signalent la direction de la cabane. Elle est très confortable ; 4 couchages, tout le matériel de cuisine, un grill et une source.


Prendre le chemin derrière la cabane des Réchets, suivre le mur de pierre, virage à droite et repérer bientôt deux arbres marqués de deux bandes rouges. Prendre le chemin de gauche. Il existe ! A la clairière de fougères, monter jusqu'à trouver le ruisseau. (Le chemin pase à 5m de la III , à coté d'un tronc d'arbre.) En remontant la cascade, impossible de rater les bornes 408 II et I. Pour aller à la 408, pas de conseil valable. Monter en tendant un peu à bâbord et avec le GPS. La grimpette à la 407 vous demandera beaucoup de courage. Retour par le même chemin.

La 408 III est à 5m rive gauche du talweg à 40-50 m de la II, la 408 IV est plus bas (90-100m) bloquée par un arbre dans sa descente.

Les bornes 409 et 410 

Le ruisseau du Terme s'est appelé, Riou-Poudèt en 1863, Riou du Terme en Bidaoubous en 1840 et Riou du Plan de Rem en 1770. Le service IGN ne sait rien sur l'étymologie du nom mais on est obligé de le rapprocher du "serment d'Arem" qui se tient depuis 1513 sur le chemin entre le pont du Roy et Fos. Ce serment renouvelle les lies et passeries signées depuis des siècles mais son originalité c'est qu'il va être reconnu définitivement devant les Cortes Catalanes en 1515 par Germaine de Foix et par Louis XII devant le Parlement de Toulouse (voir Lies et Passeries dans étape 54 Port d'Aula).

En sortant de St Béat, on s'arrête au pont du Roi. On rentre dans le Val d'Aran. En mai 1991, l'aranais - que les habitants nomment "le gascon des montagnes"- devient langue officielle. Depuis, le Val d'Aran a son hymne et son drapeau : les couleurs catalanes surmontées d'un lion et d'une clé. Pas mal pour un "pays "de 6000 habitants. Nous l'avons déjà vu, le val d'Aran est géographiquement en France et n'est relié à l'Espagne que par le col de Bonaigua à l'est et le port de Vielha au sud. Ces cols étant à plus de 2400m, le Val était coupé de la province de Lleida 8 mois par an. Un tunnel est indispensable. Le tunnel Alphonse XIII est terminé en 1948 après 22 ans de travaux. Il était particulièrement dangereux à emprunter et pourtant il n'y eut aucun accident vraiment grave. Il restera longtemps le plus long tunnel routier d'Europe. Le tunnel actuel dit de Juan Carlos 1er fut inauguré en 2007.

La borne 410 est sur le parking de la centrale électrique. La 409 sur la rive gauche. Il faut descendre côté espagnol jusqu'à la construction de planches. Le chemin commence en face, d'abord brouillon, puis bien marqué jusqu'au confluent avec le ruisseau du Terme où est la borne 409. Au retour on s'étonne des bornes en tôle émaillée qui signalent la frontière dans la Garonne. Par exemple, la n°6 confirme la limite à 30m 26cm ! Depuis la construction du barrage, le lit s'est étalé de façon asymétrique et on a voulu rétablir la frontière qui était au milieu de la Garonne ! Il y en a 7 en France et 7 en Espagne. Superfétatoires ! Nous les ignorerons.

Les Espagnols avaient construit avant 1914 un "casino". Il était situé juste avant la borne 409 sur leur territoire, rive gauche. Les jeux d'argent étant interdits en France, il avait fallu édifier un pont sur la Garonne spécialement pour les joueurs. Ils arrivaient par le tramway qui reliait Marignac au pont du Roy et qui servait au transport du bois. La gare se trouvait à côté du poste de douane. On se demande comment les douaniers considéraient ces parieurs. Fallait-il déclarer ses gains ? A partir de quelle somme ? Ce tramway a fait son dernier voyage en 1954. Le casino a été enfoui par les eaux de retenue du barrage.